Limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes hors agglomération sans séparation centrale

Rapport final d'évaluation : le Cerema publie le bilan final de l'impact de la mesure, 2 ans après sa mise en place.

Le Cerema, qui assure l'évaluation en collaboration avec l'ONISR et l'Université Gustave Eiffel (anciennement Ifsttar), suit l'impact de cette mesure sur les vitesses pratiquées, les accidents, les temps de trajet, et le ressenti des usagers. Un bilan socio-économique a également été réalisé. Depuis le 1er juillet 2018, la limitation de vitesse sur les routes à double sens hors agglomération (sans séparation centrale) est de 80 km/h.

La pandémie de Covid-19 a perturbé fortement les déplacements en France à partir de mars 2020, tant en volume qu’en structure, et a compromis le recueil de données vitesse sur le premier semestre 2020. Ce contexte a conduit à mener l’évaluation sur 20 mois pour l'accidentalité, soit de juillet 2018 à février 2020.

Le Comité interministériel de sécurité routière du 9 janvier 2018 a décidé de réduire la limitation de vitesse de 90 km/h à 80 km/h sur les routes à double-sens, sans séparateur central, en dehors des agglomérations. Cette mesure a été mise en oeuvre effectivement à compter du 1er juillet 2018. Seuls les créneaux de dépassement des sections à 3 voies restent limités à 90 km/h s'ils sont signalés.

La délégation à la sécurité routière a confié au Cerema, en lien avec l’ONISR et l’Ifsttar, l’évaluation de la mesure d’abaissement de la vitesse maximale autorisée (VMA) à 80 km/h sur le réseau routier bidirectionnel hors agglomération. Un dispositif d'observation de la circulation a été mis en place sur le territoire, avec des capteurs qui permettent d'analyser les vitesses en circulation mais aussi l'espacement entre les véhicules, poids lourds ou véhicules légers. D'autres équipes du Cerema étudient les temps de parcours, l'impact sur l'environnement (pollution-bruit), et le changement socio-culturel. Le suivi et l'analyse de l'accidentalité sont réalisés via le fichier national des accidents corporels de la route, en collaboration avec l'ONISR.

Avancement du suivi de la mesure 80 km/h :

Le 31 mai 2020, l'ONISR a publié les résultats définitifs de l'accidentalité en 2019 (indicateurs labellisés). Le suivi de la mortalité par type de réseau est donc désormais basé sur les résultats définitifs 2019, et estimés 2020.

Le suivi du nombre de tués sur 12 mois glissant met en évidence l'évolution des tendances entre réseau hors agglomération hors autoroute, et les autres réseaux (autoroutes et voies en agglomération) :

Distributions des vitesses sur les routes limitées à 80 km/h depuis le 1er juillet 2018 (source Cerema)

Les 50 points de suivis répartis sur le territoire sont situés sur des sections de routes sans contraintes spéciales (loin des radars, des virages, en trafic non contraint) de façon à observer les vitesses librement pratiquées par les usagers. 143 millions de passages de véhicules ont été enregistrés du 1er juin 2018 au 31 décembre 2019.

Dès le premier jour de juillet 2018, qui était pourtant un dimanche, les vitesses moyennes pratiquées ont baissé brutalement comme le montre le suivi quotidien des vitesses moyennes pratiquées en juin et juillet 2018 :

Pour sa part, la courbe mensuelle de distribution des vitesses a changé brutalement entre juin et juillet 2018, puis est restée stable entre juillet et novembre 2018. Entre novembre 2018 et décembre 2019, elle s'est légèrement décalée vers la droite. Toutefois la distribution reste éloignée du profil du mois de juin 2018, qui correspondait au dernier mois avec la limitation de vitesse à 90 km/h. Il y a donc toujours un gain de sécurité lié à la nouvelle limitation de vitesse en décembre 2019.

Rapport final d'évaluation publié par le Cerema (juillet 2020) :

Après les premiers résultats publiés en janvier 2019, juillet 2019, et janvier 2020, le Cerema publie son rapport final d'évaluation de la mesure VMA80.

  • accidentalité définitive 2018 et 2019, estimation ONISR pour 2020 : comparaison avec la référence des 5 ans 2013-2017 -

349 vies épargnées les 20 premiers mois de la mesure sur le réseau hors agglomération hors autoroute (juillet 2018-février 2020) :

A contrario, le reste du réseau (autoroutes et voies en agglomération), accuse 48 tués de plus que la moyenne annuelle de référence 2013-2017.

Concernant les accidents corporels, le Cerema observe que la mesure n’a pas eu d’impact sur leur nombre, qui est resté équivalent à la période de référence, mais a eu un effet sur leur gravité :

- le taux de tués sur le réseau considéré est passé de 15,2 tués pour 100 accidents sur la période de référence à 13,7 tués en 2019, soit une baisse de 10 % ;

- ce phénomène n’est pas observé sur le reste du réseau qui, avec un taux de tués pour 100 accidents de 2,9 sur la période de référence et 3,1 en 2019, a vu la gravité des accidents augmenter de 1 %.

  • vitesses pratiquées jusqu'au mois de décembre 2019 : par rapport à juin 2018, les voitures ont roulé en moyenne 3,5 km/h moins vite, les camions 1,8 km/h moins vite.

 

  • Un bilan socio-économique global positif de l'ordre de 700 millions d'euros par an :

Le gain majeur est porté par la réduction de la gravité des accidents, estimé à 1,2 milliard d'euros, mais aussi par les économies de carburants, estimées de l'ordre de 300 millions d'euros, alors que les gains sur les émissions de CO2 ne sont valorisés qu'à hauteur de 60 millions d'euros et la réduction de bruit n'est sans doute pas perceptible des populations résidant aux abords des routes concernées.

Les pertes liées à l'allongement des temps de parcours sont estimées à 800 millions d'euros.

  • allongement de temps de parcours entre juin 2018 et juin 2019 : une seconde au kilomètre en moyenne sur 298 itinéraires de 25-30 km

  • ressenti des usagers avant et après mise en place de la mesure : Quatre vagues d’enquête ont été réalisées avant (fin avril 2018) et après (début mars 2019, mi-octobre 2019, et mi-juin 2020) auprès de respectivement 5 310 et 3 800 répondants âgés de 18 ans et plus représentatifs de la population française. 84 % des répondants utilisent principalement la voiture sur le réseau de la mesure. 48 % des répondants sont désormais favorables à la mesure (30 % avant) ; 20 % y sont encore tout à fait opposés (40 % avant). 80 % des répondants déclarent respecter le plus souvent la nouvelle limitation (plus que d’après le terrain).

Mais les femmes sont plus favorables à la mesure que les hommes, comme l'indique ce même graphe, qui distingue en fonction du sexe des répondants :

Le rapport est disponible en téléchargement ci-contre : Abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h – Rapport final d'évaluation, Cerema juillet 2020 et sur le site du Cerema.