Relèvement de la Vitesse Maximale Autorisée à 90 km/h sur certaines routes départementales

L'ONISR analyse l'impact sur l'insécurité routière en 2021 du relèvement à 90 km/h sur certains départements. Depuis 2020, la loi organisation des mobilités (LOM) autorise les collectivités à relever la Vitesse Maximale Autorisée à 90 km/h sur les routes à double-sens sans séparation centrale hors agglomération.

Lors du comité interministériel de sécurité routière du 9 janvier 2018, 18 mesures ont été décidées, parmi lesquelles la mesure n° 5 dont l'objet était de réduire la vitesse maximale autorisée hors agglomération hors autoroutes. Après une expérimentation réalisée entre 2015 et 2017, et selon les termes du décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées (VMA) des véhicules, qui met en œuvre cette mesure, sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, la vitesse maximale autorisée a été abaissée de 90 à 80 km/h le 1er juillet 2018.

Le 23 décembre 2019 a été promulguée la loi d'orientation des mobilités, dite loi LOM, dans laquelle l’article 15 bis B introduit la possibilité du retour aux 90 km/h sur les routes bidirectionnelles hors agglomération. « pour les sections de routes hors agglomération relevant de [la] compétence [du] président du conseil départemental ou, lorsqu'il est l'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale] et ne comportant pas au moins deux voies affectées à un même sens de circulation ». Cette décision doit être prise après avis consultatif de la commission départementale de la sécurité routière (CDSR), sur la base d'une étude d'accidentalité portant sur chacune des sections de route concernées.

Sur les deux années 2020 et 2021, 39 départements ont pris la décision de relever la VMA à 90 km/h sur tout ou partie de leur réseau.

5 départements ont relevé la VMA sur plus de 80 % de leur réseau. 26 l’ont relevé sur moins de 15 %.
Les départements ayant fait le choix du relèvement à 90 km/h sont surtout des départements ruraux et peu denses, ou à fort relief. La part des tués hors agglomération hors autoroute est supérieure à la moyenne nationale.

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Cependant en 2018, l’ONISR a mené une étude sur la mortalité des routes bidirectionnelles hors agglomération sur la période 2012-2016. L’étude confirme qu’en moyenne 10 % des routes principales (RD et RN) concentrent 41 % de la mortalité sur ce réseau, Si on considère 20 % du même réseau, on atteint 60 % de la mortalité sur RN et RD soit 55 % de la mortalité des routes bidirectionnelles hors agglomération. En particulier, dans les départements très vallonnés voire de montagne, les routes principales représentent une faible proportion du linéaire routier mais elles sont les seules où il est possible d’atteindre la VMA ; ainsi les changements de VMA sur ce réseau présentent un impact majeur sur l’accidentalité du département.

Les vitesses pratiquées sur les routes dont la VMA a été relevée à 90 km/h dès 2020 sont plus élevées en 2020 et 2021 qu'en 2017, avant la baisse de la VMA à 80 km/h.

Sur le graphique ci-dessous :

  • le groupe VMA80 représente un échantillon d'observations où la vitesse était limitée à 90 km/h jusqu'au 1er juillet 2018, puis à 80 km/h depuis lors.
  • le groupe VMA90 représente un échantillon d'observations où la vitesse était limitée à 90 km/h jusqu'au 1er juillet 2018, puis à 80 km/h, et à nouveau à 90 km/h à partir de 2020.
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Les données utilisées pour l’étude de l’évolution des vitesses pratiquées sont issues de l’observatoire des vitesses de l’ONISR et concernent les véhicules de tourisme. Les courbes ci-dessous concernent des points d'observation présents dans les départements ayant relevé à 90 km/h en 2020 ou 2021, donc sont présents sur des routes restées à 80 km/h ou relevées à 90 km/h, afin de comporter des effectifs suffisants pour réaliser la distribution des vitesses.

Entre 2017 et 2019 la courbe de répartition des vitesses pratiquées sur le panel du groupe 90total connait un aplatissement et présente un pic entre 70 et 80 km/h nettement perceptible en 2019 notamment. En 2020, cette courbe s’est aplatie mettant en évidence les différentes VMA de ce réseau. En 2021, la distribution des vitesses n’est plus normale et laisse presque apparaître 2 « bosses » : la première entre 70 et 75 km/h et la seconde entre 90 et 95 km/h. Cette répartition met en évidence des différences importantes de comportements entre les usagers selon la VMA.

 

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Par comparaison, l'évolution des distributions des vitesses des véhicules de tourisme dans les départements restés à 80 km/h montrent une stabilité de la distribution sur 2020 et 2021.

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 Comment établir un bilan de la mortalité en 2021, une année encore impactée par les mesures de gestion de la pandémie ?

Une première comparaison de la mortalité en 2021 entre le groupe des départements restés à 80 km/h ("groupe 80) et le groupe des départements ayant relevé la VMA sur tout ou partie de leur réseau en 2020 ou 2021 ("groupe 90") indique une baisse plus forte de la mortalité sur le "groupe 80" en 2021 par rapport à la période 2013-2017 (avant instauration de la VMA à 80 km/h). Ce résultat est non seulement vrai au global, mais aussi au sein de chaque famille de départements (selon la classification Cerema : départements "ruraux peu denses", "de montagne", "monopolarisés", et "multipolarisés").

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 Estimer les pertes humaines liées au relèvement à 90 km/h

L'étude plus fine de l'évolution de la mortalité en intégrant les mois précis de mise en place des relèvements de la VMA à 90 km/h dans les départements a permis d'estimer que :

  • Le relèvement de la VMA à 90 km/h sur 39 départements aura coûté 74 vies sur l’année 2021 selon une estimation basée sur le mois de la mise en application de cette décision. Ceci correspond à une hausse de la mortalité de + 13,1 %.
  • Sur une année « classique » le relèvement de la VMA à 90 km/h sur 39 départements pourrait engendrer un nombre de tués supplémentaires de l’ordre de 89.
  • Une hausse de + 13,1 % de la mortalité enregistrée en 2019 sur l’ensemble des routes hors agglomération hors autoroutes de France métropolitaine correspond à 254 tués de plus.