Quelles pratiques des médecins des commissions médicales en matière de dépistage et de prise en compte des usages à risque d’alcool chez les conducteurs ?
Cette enquête s’inscrit dans un contexte de réforme du dispositif de contrôle de l’aptitude médicale à la conduite (en référence au décret du 17 juillet 2012).
Sur un mois standard, 80 000 conducteurs seraient vus pour un examen d’aptitude à la conduite, 40 % en commission préfectorale et 60 % hors commission. Les profils des usagers reçus sont, du fait de la réglementation, variables : majoritairement des conducteurs infractionnistes « alcool » ou « stupéfiants » en commission et majoritairement des conducteurs professionnels en visite médicale périodique en ville.
Les médecins semblent cependant pratiquer une batterie d’examens similaire et variée, comprenant entre 6 et 7 actes en moyenne pour une consultation standard. Ils réalisent pratiquement tous un examen clinique ophtalmologique et un examen neurologique et, presque aussi fréquemment, la recherche de pratiques addictives, objet de cette étude.
Depuis le 1er septembre 2012, tous les conducteurs auteurs d’infractions liées à la consommation d’alcool ou de stupéfiants sont envoyés en commission. Hors commission, l’enjeu de sécurité routière lié à la consommation d’alcool reste cependant important, en particulier en France où le niveau de consommation moyen d’alcool demeure élevé.
La recherche de consommations d’alcool chez les conducteurs
Une littérature scientifique abondante sur le sujet a permis de dégager, pour les médecins généralistes et, plus récemment, les médecins du travail, des bonnes pratiques pour un repérage des pratiques addictives de routine et de masse. La procédure complète porte le nom de RPIB : repérage précoce et intervention brève. A travers la question du caractère opportuniste de ce repérage et des outils utilisés, cette étude permet d’examiner les fondements d’un développement du RPIB en médecine du permis de conduire. En commission, trois médecins sur quatre abordent de façon systématique la question de la consommation d’alcool de l’usager. Lorsqu’ils effectuent un ciblage, celui-ci porte sur les conducteurs ayant des antécédents d’infractions « alcool », les conducteurs professionnels et pour certains encore, les jeunes conducteurs ou ceux ayant des pathologies qui contre indiquent la consommation d’alcool. Rares sont les médecins qui ne visent que la détection de la dépendance à l’alcool (3 % d’entre eux).
Le recours aux examens biologiques, à un examen clinique ou encore à la déclaration de l’usager est quasiment systématique, aussi bien en commission qu’en ville.
L'aptitude médicale à la conduite
Enfin, pour émettre leur avis d’aptitude médicale à la conduite, les médecins agréés ont la possibilité de prendre avis auprès d’autres professionnels de santé (ils y sont même encouragés en présence de conducteurs présentant des pratiques addictives) ou des psychologues chargés des examens psychotechniques (recours obligatoire en cas d’annulation, invalidation et suspension de plus d’un mois du permis de conduire). Sept médecins de commission sur 10 le font, en référence à un addictologue ou un psychiatre dans la moitié des cas, parfois également un gastro-entérologue ou un hépatologue. Hors commission, ils prennent avis majoritairement auprès d’un addictologue.
Les textes réglementaires récents encouragent les médecins à dépasser le cadre strict de la médecine de contrôle, soit par des actions préventives, soit par une orientation médicale. En dehors de leur décision d’aptitude, les médecins du permis de conduire prodiguent quasiment tous des conseils de prévention aux conducteurs en difficulté avec l’alcool. Fréquemment aussi, surtout en commission, ils les invitent à en parler avec leur médecin traitant.
Développer des outils propres pour la médecine du permis de conduire
Les principales recommandations suite à cette enquête relèvent les besoins qui émanent des médecins du permis de conduire :
- Poursuivre l'effort de formation des médecins du permis de conduire en addictologie et de sensibilisation aux méthodes de repérage faisant l’objet de recommandations de bonnes pratiques
- Réviser et harmoniser les supports pré-établis diffusés par les préfectures (questionnaire médical préalable aux usagers et grille d’examens pour les médecins)
- Accroître la complémentarité entre les examens cliniques et les examens psychotechniques
- Emettre des recommandations pour une stratégie de RPIB adaptée à la médecine du permis de conduire