Accidentalité sur les routes bidirectionnelles hors agglomération – Enjeux relatifs au réseau principal

Cette étude confirme que dans chacun des 100 départements le réseau principal à double sens porte l'essentiel de la mortalité routière hors agglomération.

Entre 2012 et 2017, deux études ont examiné l'accidentalité sur le réseau bidirectionnel selon qu'il est structurant ou local :

  • l'étude d'enjeu pour un abaissement à 70 km/h sur le réseau local (Cerema);
  • le questionnaire aux Conseils départementaux sur la hiérarchisation, les trafics, et l'accidentalité de leur réseau (Cerema-ONISR).

Ces analyses ont permis au Comité des experts, placé auprès du Conseil national de sécurité routière (CNSR) de recommander en 2013 la mise en place de l’abaissement de la vitesse maximale autorisée de 90 km/h à 80 km/h sur l’ensemble des routes bidirectionnelles sans séparateur central sans en exempter le réseau principal. La mesure a été reprise et adoptée par le gouvernement à l’occasion du Comité interministériel de sécurité routière (CISR) du 9 janvier 2018, qui l’a mise en place au 1er juillet 2018.

L’étude présentée ici visait à vérifier que dans tous les départements de France le réseau avec le plus de circulation ou avec une dimension stratégique élevée est celui qui compte le plus d’accidents et concentre la plus forte mortalité routière.

Le réseau routier hors agglomération est composé d’une part d’axes à haut niveau de service en termes de sécurité, avec séparation centrale entre les deux sens de circulation et en général des carrefours dénivelés (autoroutes, routes pour automobiles et autres 2 x 2 voies), et d’autre part de routes dites « à chaussée unique » ou « bidirectionnelles ».

Parmi les routes bidirectionnelles, certaines ont bénéficié depuis de nombreuses années d’aménagements visant à améliorer la fluidité du trafic ou la sécurité, tels que des rectifications de virages, des dégagements de visibilité, des voies spécifiques pour tourner à gauche aux carrefours, des accotements stabilisés, voire des plates-formes larges incluant des créneaux de dépassement. Ces routes sont privilégiées pour porter non seulement le trafic local mais aussi de transit, plutôt que le réseau secondaire, étroit, peu roulant, et plus dangereux à vitesse équivalente.

Depuis 2012, plusieurs études du Cerema ont examiné les différences d’accidentalité entre le réseau principal bidirectionnel et le réseau plus local. Elles ont permis au comité des experts du CNSR en 2013, puis au gouvernement lors du CISR du 9 janvier 2018, d’apprécier les différences d’impact d’une mesure d’abaissement des vitesses maximales autorisées (VMA) de 90km/h à 80km/h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central selon que le réseau concerné est principal ou plus local. Ce choix est en effet loin d’être neutre quant aux résultats produits en termes de réduction de l’accidentalité.

Pour répondre aux demandes de disposer de cette évaluation sur chaque département français, une enquête a été conduite début 2018 avec l’appui des observatoires départementaux de sécurité routière, coordonnés par l’ONISR.

L’enquête et la démarche d’analyse

L’enquête a porté sur l’accidentalité sur les routes bidirectionnelles hors agglomération entre 2012 et 2016.

Parmi les routes hors agglomération, deux types de réseaux ont été distingués, l’un pouvant être qualifié de « principal », constitué de l’ensemble des routes nationales (RN) et d’une partie des routes départementales (RD), l’autre de « secondaire », constitué du reste des RD. Les voies communales enregistrent très peu d’accidents par rapport à leur longueur de réseau car le trafic y est faible.

La répartition des RD dans le réseau « principal » ou « secondaire » a été définie à partir des classifications utilisées par les gestionnaires de voiries : les conseils départementaux. Chaque conseil départemental utilise pour la gestion de son réseau routier et sa propre classification, entre 2 et 5 catégories. Les préfets ont pris l’attache de chaque président de conseil départemental pour recueillir la hiérarchisation du réseau routier définie par l’Assemblée départementale.

Les observatoires départementaux de sécurité routière ont ensuite établi le décompte de l’accidentalité intervenue sur les routes bidirectionnelles hors agglomération nationales et départementales de leur département entre 2012 et 2016, avec un détail pour les deux catégories de RD hiérarchiquement les plus élevées (c’est-à-dire, considérées par le gestionnaire de voirie comme ayant soit le plus fort trafic, soit la dimension stratégique la plus élevée). Ces données ont été centralisées par l’ONISR pour chacun des départements français (métropole et outre-mer), qui a présenté dans un rapport les poids respectifs des linéaires de voirie des réseaux principaux et de leur accidentalité (mortalité routière).

Deux périmètres de réseaux « principaux » ont été considérés :

  • le réseau principal constitué uniquement de l’ensemble des RN et des RD de catégorie 1 (hiérarchiquement la plus élevée);
  • le réseau principal constitué de l’ensemble des RN et des RD de catégorie 1 et également des RD de catégorie 2.

Pour chaque périmètre et chaque département nous avons calculé :

  • le linéaire du réseau routier principal ainsi défini, puis son rapport au linéaire total de RN et de RD du département;
  • la mortalité 2012-2016 sur les routes bidirectionnelles hors agglomération associée à ce réseau principal, puis son rapport à la mortalité totale sur les RN et RD bidirectionnelles hors agglomération du département.

Exemple sur un département donné :

  • pour le 1er périmètre, le réseau principal constitue 12 % du linéaire de RN et RD, et regroupe 47 % des décès intervenus sur la période 2012-2016 ;
  • pour le 2ème périmètre, le réseau principal constitue 22 % du linéaire de RN et RD, et regroupe 60 % des décès intervenus sur la période 2012-2016.

Les couples de valeurs ainsi obtenues sont représentés, pour l’ensemble des départements, sur les deux figures reproduites en pages suivantes, respectivement pour les décès et les accidents mortels. Les deux figures ont une forme très proche. La dispersion des points autour de la courbe moyenne traduit notamment la diversité géographique (départements ruraux ou plus urbanisés, départements de montagne, etc.).

Résultats

Reseau_routiers-Accidentalité sur routes bidi hors agglo
Les couples de valeurs ainsi obtenus : part de la mortalité sur les routes principales en fonction de la part du linéaire du réseau principal par rapport à l’ensemble des routes nationales et départementales, sont représentés sur le graphique ci-contre.  Dans le département pointé par la flèche, le réseau principal représente 13 % du linéaire de RN et RD bidirectionnelles et enregistre 37 % des décès comptabilisés sur les RN et RD bidirectionnelles hors agglomération. La diagonale correspond aux situations où les parts associées au linéaire et à la mortalité seraient identiques. Le réseau principal aurait été un moindre contributeur à la mortalité s’il était positionné en-dessous de la diagonale.

Le réseau principal (ou le plus confortable) enregistre une proportion de morts supérieure à sa part de réseau (en kilomètres)

Ainsi, en moyenne, sur les routes nationales et les routes gérées par les départements qui sont des routes à double sens sans séparateur central, et hors agglomération :

  • 10 % de ces routes, considérées par le gestionnaire comme ayant soit le plus fort trafic, soit la dimension stratégique la plus élevée, concentrent 38 % de la mortalité totale sur les routes bidirectionnelles hors agglomération ;
  • Si on retient 10 % supplémentaires (intensité du critère de trafic ou de stratégie légèrement moindre), c’est 55 % de la mortalité totale qui est atteinte. Le reste du réseau visé par la réduction, soit 80 % des routes départementales ainsi que l'ensemble des voies communales hors agglomération, n’enregistrent que 45 % de la mortalité.

Le reste du réseau, soit 80 % des RD ainsi que l’ensemble des voies communales hors agglomération, n’enregistre que 45 % de la mortalité des routes bidirectionnelles hors agglomération.

Même s’il est contre-intuitif que le réseau le plus confortable est celui qui enregistre le plus d’accidents mortels, les études successives confirment que les bénéfices d’un abaissement de VMA seront en grande partie liés à ce réseau.