Circulation inter-files des deux-roues motorisés - Evaluation de l'expérimentation 2016-2020

L'expérimentation depuis 2016 de la circulation des deux-routes motorisés entre deux files de voitures, sur certains grands axes périurbains de 11 départements français, s'est achevée le 31 janvier 2021. La circulation inter-files (CIF) n'est pas autorisée par le code de la route, quoique souvent pratiquée par les deux-roues motorisés (2RM) sur des axes très congestionnés. L’objectif de cette expérimentation était d’encadrer cette pratique, afin de sécuriser son utilisation par les usagers de 2RM et de permettre une meilleure cohabitation avec les autres usagers de la route.

Le Cerema, épaulé par l'Université Gustave Eiffel et la société Ergo-centre a mené l'évaluation de cette expérimentation. L’accidentalité des deux-roues motorisés a augmenté de 12% sur les routes où l’expérimentation de la CIF a eu lieu alors qu’elle a baissé de 10% sur les autres routes des départements concernés. Cette hausse s’est stabilisée néanmoins au fil des années.

L’expérimentation de la circulation inter-files (CIF) des deux roues motorisés (2RM) sur les autoroutes et les voies à caractéristiques autoroutières de onze départements a commencé le 2 février 2016 et s'est terminée le 31 janvier 2021. Elle concernait les huit départements de la Région Île-de-France, les Bouches-du-Rhône, la Gironde et du Rhône. De plus le département de la Haute-Garonne a été choisi comme « zone témoin ».

L'objectif principal de l'expérimentation était d’encadrer la pratique, largement répandue parmi les 2RM, et d’évaluer les effets de la légalisation et de l’encadrement de cette pratique. Les résultats obtenus sont en demi-teinte.

Des règles à suivre simples pour les usagers lors de l'expérimentation de la CIF :

Où : sur les autoroutes et les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central et dotées d'au moins deux voies chacune, où la vitesse maximale autorisée est supérieure ou égale à 70 km/h, entre les files de véhicules situées sur les deux voies les plus à gauche d'une chaussée, ayant le même sens de circulation.

Quand : lorsque la circulation s'est établie en files ininterrompues sur toutes les voies (autres que celles réservées, le cas échéant, à la circulation de certaines catégories particulières de véhicules ou d'usagers).

Qui : tout conducteur d'un deux-roues ou trois-roues motorisé dont le véhicule est d'une largeur d'un mètre maximum.

Comment : espacement suffisant, en l'absence de travaux ou de neige/verglas, en avertissant les autres usagers de son intention de débuter une CIF ou de se rabattre en fin de CIF, sans rouler à plus de 50 km/h et de sans dépasser d’autres véhicules en CIF.

Une augmentation de l'accidentalité, mais à nuancer

L’accidentalité des 2RM à l’échelle des départements expérimentaux  a baissé de 10 % entre l'état initial (2012-2014) et la période d'expérimentation (2016-2018), tandis qu’elle a augmenté de 12 % sur les seuls périmètre des réseaux routiers où s’applique la CIF expérimentale et de la zone témoin, en se stabilisant au cours de l’expérimentation.

Évolution de l'accidentalité 2RM sur les réseaux où la CIF est expérimentée, que le 2RM soit en CIF ou non (source Cerema) :

Évolution accidentalité réseau cif

Cependant, le nombre d'accident reste faible, et doit donc être analysé avec précaution.

Si l'accidentalité des 2RM de manière générale est en hausse sur les réseaux ou la CIF est expérimentée, le nombre d'accidents de 2RM qui sont effectivement en CIF est également en augmentation dans la majorité des sites d'expérimentations. La situation la plus préoccupante est celle de la Gironde, où le nombre d'accidents en situation de CIF a triplé entre l'état initial et l'expérimentation. Cette augmentation en Gironde peut éventuellement en partie s'expliquer par des facteurs externes comme une augmentation de la congestion et donc une hausse de la pratique.

Évolution de l'accidentalité des 2RM qui sont effectivement en situation de CIF (source Cerema) :

Évolution accidentalité 2RM en situation de CIF

Pour comprendre les mécanismes de ces accidents en situation de CIF, il est nécessaire de s'intéresser aux procès verbaux (PV) d'accidents pour avoir une précision suffisante. A cet effet, le Cerema a analysé 4 500 PV qui couvrent 2015-2018 (soit une année avant la mise en place de l'expérimentation, et trois années durant) et 1 650 accidents légers, 161 accidents graves et 16 accidents mortels. Pour ces 16 accidents mortels, les règles mises en place pour l'expérimentation n'étaient pas respectées, que ce soit la position sur la chaussée ou la vitesse pratiquée, dépassant souvent largement les 50km/h. De manière générale, les facteurs d'accidents qui reviennent le plus souvent sont une vitesse excessive ou inadaptée, ou encore un changement de file non signalé.

Une amélioration des comportements des deux-roues motorisés avec le temps

Dans les règles de l'expérimentation de la CIF, il est imposé une vitesse maximale pour les 2RM de 50 km/h. Au fil de l'expérimentation, il a été observé une réduction de la vitesse sur les sites concernés et sur le site témoin entre l'état initial et 2018. Le respect de la limitation est ainsi passé de 23% à 40%, même si le niveau atteint est encore insuffisant. En effet, 46% des usagers en CIF restent verbalisables, dépassant les 55 km/h.

Évolution respect vitesse en CIF

Source : Cerema

Les règles de positions sont, pour leur part, plus largement respectées : près de 80% des 2RM se positionnent correctement, c'est à dire entre les deux files de véhicules situées les plus à gauche.

Une nouvelle expérimentation plus large à lancer ?

La circulation inter-files est une pratique couramment utilisée par les usagers de deux-roues motorisés, mais, du fait de son interdiction, n'est pas encadré par le Code de la route, et le sujet n'est donc pas abordé dans les écoles de conduite. L'objectif de cette expérimentation était de diminuer l’accidentalité des deux-roues motorisés en encadrant la pratique de la CIF. Cependant, les résultats de l'accidentalité obtenus par l'expérimentation ne sont pas suffisamment convaincants en l'état pour pouvoir intégrer aujourd’hui la CIF dans le Code de la route, même si une amélioration des comportements est à noter.

Une nouvelle expérimentation prenant en compte plus d'aspects pourrait donc être envisagée afin de pérenniser cette pratique en toute sécurité. Il serait alors question de renforcer la communication envers les usagers, de s'interroger à nouveau sur les règles à suivre, ou encore d'automatiser le recueil de données pour affiner les analyses.

Le rapport d'évaluation complet du Cerema est disponible en téléchargement ci-contre. Retrouvez par ailleurs l'article du Cerema en suivant ce lien.