L’étude iSafe-Virtual-Human – système d’alerte et d’optimisation des secours pour les victimes d’accidents de la route

Lors d’un accident de la route, du premier secours à la prise en charge chirurgicale, le gain de temps est une variable fondamentale pour le devenir de la victime. Tel qu’indiqué dans l’article The probability of death in road traffic accidents. How important is a quick medical response ? (Revue Accident Analysis and Prevention - 2010), réduire de 10 minutes le temps d’intervention peut réduire d’un tiers la probabilité de décès.

L’optimisation de la stratégie d’intervention peut porter sur la rapidité en réduisant les temps d’alerte, de transport, et de prise de décision ; ou le triage en orientant au plus tôt la victime vers un parcours de soin adapté.

Porté par l’Université Gustave Eiffel et en partenariat avec l’Université de Strasbourg, et les équipes de l’école nationale supérieur des officiers sapeurs-pompiers, le projet iSafe-Virtual-Human vise à développer un système d’alerte et d’optimisation des secours pour les victimes d’accidents de la route. Ce système s’appuie sur un ensemble de briques technologiques dont l’Event data recorder (EDR) et l’e-call dans le véhicule afin de transmettre des informations sur les conditions du choc qui contribueront à prédire par le calcul et l’utilisation d’un modèle virtuel du corps humain les blessures potentielles et le niveau d’urgence. L’objectif final est d’orienter les décisions des acteurs de la chaîne de secours depuis l’information précoce de l’accident jusqu’à la prise en charge paramédicale, médicale et même chirurgicale des victimes.

 

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De l'accident à la prise en charge hospitalière optimisée par iSafe

La première phase du projet, relative au démonstrateur virtuel pour la prédiction des scores de blessures par la simulation, a démontré la faisabilité d’un outil d’estimation des blessures, basé sur l’utilisation de modèles numériques. Les données issues des Event data recorder et celles de l’e-call ont ainsi été utilisées afin d’évaluer les décélérations subies par l’occupant lors du choc, lesquelles ont permis de simuler la cinématique du corps humain lors du choc et donc d’évaluer les risques de blessures. Le démonstrateur virtuel identifie correctement les blessures graves dans les deux cas de référence étudiés : le bassin pour le choc latéral et le fémur gauche pour le choc frontal.

les zones à risque de blessure élevé dans le cas du choc frontal sont coloriées en rouge sur le schéma d'un squelette

Zones à risque de blessure élevé dans le cas du choc frontal

zones à risque de blessure élevé dans le cas du choc latéral surlignées en rouge sur le squelette représenté

Zones à risque de blessure élevé dans le cas du choc latéral

Les modèles numériques utilisés ont toutefois été relativement conservateurs en indiquant des prédictions de blessures plus importantes que celles réellement observées chez les victimes. Les futurs travaux doivent permettre d’améliorer la bio-fidélité des modèles de corps humain existants et de définir de meilleurs critères de blessure, capables de mieux discriminer les situations lésionnelles des situations non-lésionnelles. Pour les situations de choc frontal et latéral qui ont particulièrement étudiées dans le projet, la vitesse d’impact reste le déterminant principal de la gravité des blessures. Néanmoins, pour le cas du choc latéral, l’angle d’impact a lui aussi une influence significative : plus un choc est perpendiculaire au véhicule, plus il est dangereux.

En complément, par l’utilisation des bases de données épidémiologiques, les associations de blessures ont été étudiées. Cette approche complémentaire à la simulation (qui ne peut pas tout prédire) vise à identifier les risques de souffrir d’une lésion sachant que l’on souffre d’une autre. A titre d’exemple, des risques accrus de blessure aux organes internes du thorax ont été identifiés lorsque l’on souffre d’une blessure à la clavicule. Ce travail exploratoire d’analyse du point de vue biomécanique de résultats épidémiologiques s’inscrit dans l’enjeu de l’amélioration de la prise en charge des accidentés de la route.

 

association de blessures éléementaires par région corporelle entre blessures simulables et non simulables

Associations de blessures élémentaires (classification RTSN) par région corporelle entre blessures simulables et non simulables - à gauche, résultats pour le choc frontal; à droite, pour le choc latéral - données registre du Rhône et données BAAC 1996-2014

 

Une seconde étude s’est intéressée aux besoins et à l’acceptabilité du dispositif iSafe auprès de pompiers. Les entretiens ont mis en exergue les informations essentielles pouvant contribuer à optimiser le temps d’intervention, notamment le lieu exact de l’accident (coordonnées GPS), la cinétique du choc, le nombre d’impliqués, le type de véhicule accidenté (avec ces spécificités techniques pour faciliter les travaux de désincarcération) ainsi que le niveau d’urgence qu’entrainent les blessures des victimes, plutôt que le détail de blessures. Ces informations contribueraient à faciliter la prise de décision des pompiers en amont de leur arrivée sur le lieu de l’accident s’agissant du choix des techniques de sécurisation du véhicule et de désincarcération des victimes. Elles permettraient par ailleurs d’optimiser l’intervention en permettant l’envoi des moyens appropriés en termes de véhicules et humains.

 

Cette première phase du projet achevée début 2022 a donc démontré la faisabilité d’un outil d’estimation des blessures basé sur l’utilisation de modèles numériques. La deuxième phase du projet iSafe-Virtual-Human vise à compléter l’évaluation préclinique des victimes par une analyse des données physiologiques en temps réel. L’enjeu majeur de cette seconde phase est de montrer comment la signature des signaux physiologiques mesurés au plus tôt après la survenue du traumatisme peut être un indicateur pertinent de l’évolution de l’état de santé d’une victime d’accident.