L’examen du code de la route reste difficile d’accès pour les personnes malentendantes, sourdes ou dyslexiques, mais aussi pour celles qui présentent des lacunes en français. Selon un rapport parlementaire de 2005, leur taux de réussite à l’examen du code de la route est de 27 % contre 58 % pour les candidats entendants ; ce taux de réussite largement inférieur prouve que ces candidats restent pénalisés par un mode d'apprentissage inadapté. Les aménagements restent insuffisants et ne répondent pas à la politique d’intégration et de pleine autonomie souhaitée pour les personnes en situation de handicap (loi 2005).
Cette étude permet de mener une réflexion sur des évolutions possibles des supports pédagogiques lors de l’examen du code de la route.
Les spécificités liées à la surdité
Il existe différentes surdités qui sont classées selon la localisation de l’atteinte auditive. Les surdités touchant l’oreille interne entraînent une perte auditive et un impact sur le développement du langage oral. Le handicap auditif peut entraîner des troubles visuo-attentionnels et exécutifs, jusqu’à parfois altérer la compréhension et l’apprentissage dans divers domaines.
La confrontation aux informations sonores est importante et permet de favoriser l’apprentissage du rythme par exemple ou de la durée. Au contraire, l’absence auditive entraîne une perturbation de certaines capacités cognitives. Ainsi la surdité amène le cerveau à trouver des mécanismes de compensation. Sous l’effet de la plasticité neuronale, les informations visuelles sont traitées autrement.
Les personnes malentendantes utilisent de préférence la langue des signes pour communiquer plutôt que l'oral car malgré les séances de rééducation elles éprouvent une gêne à utiliser leur voix qui peut être difficilement compréhensible par des personnes non habituées.
Des animations pour pallier les difficultés à traiter l’information chez les personnes malentendantes
L’apprentissage des règles du Code de la route fait appel à la séquentiation des informations c’est-à-dire à leur traitement. Pour anticiper ce qui peut se produire dans une intersection par exemple, il est nécessaire mentalement de représenter la situation avant de choisir une décision adaptée. Or, un défaut de la séquentiation entrave ce processus d’anticipation et donc une prise de décision.
Tout laisse à penser que l’animation pourrait servir de support cognitif, dans le sens où elle externalise les représentations qui font défaut chez les candidats sourds. L’animation 3D permet de décrire visuellement des séries d’événements, et actuellement elle s’impose comme un support utile dans l’apprentissage. Elle doit permettre d’alléger la charge d’informations, et ainsi rendre l’apprentissage moins complexe.
Des études ont montré que les animations ont une supériorité sur les images statiques afin de mieux décrire des phénomènes ou des processus dynamiques (Bétrancourt & Tversky, 2000 ; Bétrancourt, 2005 ; Boucheix, & Schneider 2009 ; Boucheix, 2017 ; Hegarty et al. 2002 ; Lowe, 2005 ; Schnotz, 2005). L’utilisation d’animations transmet le temps, et segmente les informations importantes du reste, pour ainsi donner à voir les événements de manière séquentielle. Le côté dynamique des animations multimédias favoriserait la compréhension de la situation mais aussi des actions en cours. A noter qu’il faut veiller à ce que l’animation utilise des idées non abstraites pour l’observateur auquel cas les capacités de la mémoire de travail seront déformées.
Des travaux récents prouvent que l’ajout d’indices visuels accompagne davantage l’attention sur les éléments à regarder : notamment avec l’apparition de flèches sur les objets à traiter ou le clignotement des éléments. La possibilité de revenir en arrière est aussi un moyen intéressant pour améliorer la compréhension.
Des aménagements de l'examen déjà présents mais qui restent encore insuffisants pour appréhender les différentes situations sur la route
Depuis 2006 des aménagements ont été mis en place pour les candidats « dys », sourds et malentendants :
- un tiers temps supplémentaire ;
- des sessions d’examens réservées aux publics sourds et « dys » ;
- présence d’un interprète pendant l’examen.
L’ensemble des aménagements restent pourtant insuffisants puisque le taux d’échec est encore élevé. Il est nécessaire que les efforts portent sur les supports pédagogiques mais aussi sur l’enseignement. Depuis plusieurs années, l’Association Régionale pour l’Intégration des Sourds (ARIS) accompagne et forme des candidats sourds. En travaillant avec une auto-école spécialisée, elle propose la langue des signes en plus sur les supports d’apprentissage. Les résultats mettent en évidence une meilleure autonomie du candidat qui peut s’entraîner chez lui.
Cependant, ce matériel de doublage reste statique et demande au candidat d’effectuer des raisonnements de son côté. L’apport du dynamisme à travers l’animation permettrait de combler ces situations pour être mieux appréhendées par le candidat.