Effets biphasiques de l’alcool et jeunes conducteurs (BIALCOL)

Une équipe de l’Université Gustave Eiffel a étudié les effets délétères de faibles doses d’alcool (0,2 et 0,5 g/l) sur le comportement, l’état physiologique et les estimations d’éveil et d’endormissement de conducteurs novices et de conducteurs en fin de permis probatoire âgés de 22 à 30 ans.

Après la consommation d’alcool, la concentration d’alcool dans le sang évolue en trois phases

La concentration de l’alcool dans le sang et dans l’air expiré évolue selon une courbe (Figure ci-(dessous) présentant :
1. Une « phase ascendante » durant laquelle la quantité d’alcool augmente dans le sang. Cette phase est généralement plutôt courte.
2. Un « pic » ou un « plateau », qui correspond au moment où la valeur cible du taux d’alcool associé à la quantité d’alcool consommé est atteinte.
3. Une « phase descendante », durant laquelle la quantité d’alcool dans le sang diminue. Il s’agit de la phase la plus longue de l’évolution du taux d’alcool.
En fonction de ces phases, l’alcool peut produire des effets différents.

Trois groupes de personnes pour cette étude

Soixante personnes âgées de 22 à 30 ans avec au moins trois ans de permis ont été sélectionnées et réparties en trois groupes appariés sexe et âge :
- un groupe avec ingestion d’une boisson non alcoolisée immédiatement suivie de la conduite du simulateur ;
- un groupe avec ingestion d’une boisson alcoolisée immédiatement suivie de la conduite du simulateur (phase ascendante, stimulante, de l’alcool) ;
- un groupe avec ingestion d’une boisson alcoolisée et attente du pic de 0,5 g/l (0,5 l) avant la conduite du simulateur (phase descendante, sédative, de l’alcool).

Il est demandé aux participants de maintenir une position stable sur la voie de droite et de garder une vitesse constante de 110 km/h durant 45 minutes.

Effets des groupes

Les résultats montrent des effets biphasiques de l’alcool sur l’état des participants. La phase descendante se démarque par des efforts physiques et des charges mentales plus élevées que les phases ascendantes et sans alcool ainsi que par un niveau de tension plus élevé. La conduite en situation monotone est la plus anxiogène en phase descendante, amplifiée par la nécessité de maintenir un niveau de vigilance suffisant pour réaliser la tâche de conduite jusqu’au temps imparti de 45 minutes.

L’hippus est utilisé pour déterminer le niveau de stimulation, il diffère notamment en fonction de la classification des drogues entre stimulant et dépresseurs. La présence d’hippus est plus fréquente suite à la prise de stimulants que de dépresseurs. Sa mesure confirme que la phase ascendante présente plus d’effets stimulants que la phase descendante et que la conduite sans alcool. Si ce n’est cet effet stimulant, la conduite en phase ascendante ne montre pratiquement pas de différences significatives avec la conduite sans alcool. Il se pourrait même que les performances en termes de vitesse moyenne soient plus stables. Toutefois, un participant en phase ascendante va s’endormir et quitter la route ce qui souligne un effet différentiel de l’alcool en fonction des participants. Il faut en effet noter que sans alcool, aucun comportement (volontaire ou non) ne témoigne de risque accidentel ou de modification d’état interne tel qu’un micro-sommeil

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Effets des sexes

Au niveau du comportement de conduite, la seule différence significative entre les hommes et les femmes concerne la variabilité de la vitesse, plus élevée pour les femmes. Cela s’explique par une différence des effets de l’alcool sur la performance de conduite, plus importante pour les femmes. Ces effets de l’alcool expliquent également l’effort subjectif plus important ressenti par les femmes.
D'autres variables que celles analysées renforcent l’idée que les effets de l’alcool sont plus importants chez les femmes. Parmi les différences physiologiques, on note un métabolisme gastrique plus faible chez les femmes ainsi qu’une différence de composition corporelle dans la mesure où les femmes présentent une masse graisseuse proportionnellement plus élevée et moins de masse d’eau que les hommes. Enfin la variabilité du rythme cardiaque et plus particulièrement chez les femmes est généralement inférieure à celui des hommes.

Des différences intergroupes et interindividuelles

Au niveau expérimental, Cette étude montre non seulement des différences entre les groupes mais aussi entre les individus faisant que pour une même dose d’alcool, certains vont montrer des effets plus conséquents pouvant conduire à des comportements favorisant les accidents même pour une dose légale.