Inégalités hommes-femmes dans la réussite au permis de conduire : paradoxes et explications

En France, en 2018, il existe un différentiel de 10 points entre les femmes et les hommes concernant la réussite à l'épreuve pratique du permis de conduire. L'Ifsttar (dorénavant intégré à l'Université Gustave Eiffel) a cherché à comprendre les facteurs psychosociaux susceptibles  d’expliquer cet écart. Plusieurs études ont été menées, auprès des apprentis conducteurs en formation et des enseignants de la conduite. Elles permettent de pointer les effets de la conformité des apprentis aux attentes sociales, favorisant la réussite des hommes à l’examen pratique du permis, mais pénalisant celle des femmes.

Contexte et enjeux autour du taux de réussite au permis de conduire

Les femmes représentent 53 % des candidats au permis B. Pour autant, elles ne représentent que 49 % des permis B délivrés en 2018, avec un différentiel de réussite de près de 10 points entre les deux sexes : 63 % de taux de réussite chez les hommes contre 53 % de taux de réussite chez les femmes à l’épreuve pratique du permis B. Toutefois, cet écart de réussite s’amenuise : il était de 11,6 points en 2009. On retrouve cet écart entre les deux groupes de sexe au Royaume-Uni ou en Finlande, mais pas en Suède ni aux Pays-Bas.

Une enquête de la Prévention Routière auprès de jeunes en 2012 montrait que 71 % des hommes réussissent l’examen pratique du premier coup, tandis que 44 % des femmes ont eu besoin de plusieurs tentatives. Ceci participe à un coût plus élevé de la formation pour les femmes : en moyenne 1 600 €, contre 1 450 € pour les hommes. Au final, 53 % des femmes jugent l’obtention du permis plutôt voire très difficile, tandis que 54,5 % des hommes jugent la formation et l’obtention du permis pas du tout ou plutôt pas difficile (APR, 2013)

À la lecture des données statistiques, plusieurs paradoxes se font jour. Tout d’abord, pourquoi les hommes réussissent mieux en France l’épreuve pratique que les femmes alors que les hommes composent 86 % des conducteurs de moins de 24 ans tués sur la route (2015) ? Ensuite, pourquoi les femmes réussissent mieux l’épreuve théorique (70 %) que l’épreuve pratique du permis B, alors qu’elles réussissent bien les épreuves pratiques des permis A (90 %) et C (75 %) ? Enfin, pourquoi le différentiel de sexe ne se constate que dans le permis B, qui est le permis le plus passé par les femmes (754 627 candidates en 2015), alors qu’il n’y a pas de différentiel pour les permis A et C dans lesquels les candidates sont beaucoup moins nombreuses.

L'effet des stéréotypes

Les résultats de l'étude confirment l’écart de réussite entre hommes et femmes au permis, en lien avec, chez les femmes, un nombre d’heures de leçons plus important, moins d’attrait pour la conduite, de plus grandes difficultés ressenties pendant les leçons, une plus forte anxiété, couplée à une peur plus importante de l’accident et du regard d’autrui. Ces différences sexuées s’observent dès le début de la formation, les hommes s’attribuant des chances plus importantes de réussir le permis que les femmes, même avant le début des leçons de conduite. Les résultats de l’étude montrent que ces différences sont en lien avec les attentes sociales et les stéréotypes à l’égard des hommes et des femmes au volant. La croyance sociale d’un homme  naturellement compétent pour la conduite affecte positivement les hommes apprentis, en augmentant leur sentiment de  maîtrise. Au contraire, elle affecte négativement les femmes, les renvoyant au stéréotype de la femme incompétente dans une activité socialement perçue comme masculine. Les femmes qui prennent de la distance par rapport à ces stéréotypes de sexe ont un meilleur taux de réussite que les femmes qui s’y conforment.

Quelques différences significatives chez les apprentis entre les femmes et les hommes

Ces stéréotypes affectent également les moniteurs, qui perçoivent les différences de sexe dans la conduite et les attribuent à des effets biologiques et interprètent les erreurs et l’anxiété des hommes comme liées aux circonstances de l’évaluation mais comme le signe d’un manque de compétences chez les femmes.

En se conformant aux attentes sociales de masculinité ou de féminité, les individus, au travers du rite de passage de l’examen du permis, confirment leur appartenance au groupe des hommes ou des femmes. Cela pénalise les femmes dans l’obtention de l’examen, mais pénalisera ensuite les hommes en termes de comportements à risque accidentel.

Vous pouvez retrouver ci contre en téléchargement au format pdf l'étude complète de l'Ifsttar, ainsi qu'un fiche résumé d'une page présente dans le bilan 2019 de l'accidentalité routière.