L'étude « Telprof » s'intéresse aux accidents liés au téléphone intervenant lors de déplacements professionnels sur la route. Selon l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) ; on dénombre ainsi 20 000 accidents. Dans le milieu professionnel la première cause de mortalité est liée à une conduite avec usage du téléphone portable au volant.
Le téléphone portable est une source majeure de distraction visuelle, il multiplie par deux le risque d’accident
Les études expérimentales ont montré que manipuler son téléphone au volant a des effets beaucoup plus négatifs que de téléphoner. La « méta-analyse » du chercheur Caird sur les effets de « texter » au volant en 2014 démontre l’incidence négative de cette pratique qui affecte beaucoup plus la conduite que la seule lecture d’un message.
Les analyses récentes issues des études « naturalistiques », (c’est-à--dire en condition réelle), sont aujourd’hui basées sur des accidents avérés et mettent en avant un risque très élevé lié à l’utilisation du téléphone autre qu’un appel.
Les activités qui comportent les risques les plus élevés sont :
- numéroter ;
- lire / écrire,
- envoyer des messages ;
- atteindre un objet comme son téléphone.
Avec un téléphone au volant on remarque une augmentation bien plus importante du temps de réaction. Des regards prolongés sur l’écran induisent un champ de vision réduit et une trajectoire instable pendant la conduite.
Les « observations naturalistiques » américaines confirment que téléphoner au volant entraîne un risque d’accident extrêmement important.
L’étude sur l’usage de distracteurs lors d’un trajet professionnel, selon l’analyse d’Olson, a montré que la durée pendant laquelle le conducteur n’a plus les yeux rivés sur la route joue un rôle capital :
- un regard de durée plus de 1,5 secondes est associé à un risque élevé d’accident (Risque Relatif RR = 1,3) ;
- un regard très long, plus de 2 secondes au risque le plus élevé (RR = 2,9), des résultats qui sont confirmés par les observations de Klauer sur l’impact de l’inattention des conducteurs (étude de 2006) ou de Simons-Morton (étude 2014) sur l’augmentation des risques d' accidents pour les jeunes conducteurs.
Une conclusion marquante de cette étude réside dans le fait que les conducteurs se livrent à des activités distractives pendant plus de 50 % de leur temps de conduite, ce qui entraîne globalement un risque d’accident deux fois plus élevé.
Plus d’un conducteur sur quatre utilise son téléphone au volant, en particulier pour rester joignable pour le travail
Les statistiques de 2017 montrent que 43 % des conducteurs utilisent leur téléphone au volant contre 59 % en 2018. Plus d’un conducteur sur quatre voit l’usage du téléphone comme un geste banal. En effet, la part des conducteurs utilisant souvent leur téléphone est plus élevée que ceux l’utilisant occasionnellement.
Ces données ont amené les chercheurs à faire une distinction entre des personnes qui conduisent dans le cadre de leur travail et qui ont une attitude face à l’usage du téléphone portable au volant, et de l’autre, la population générale.
Cette distinction se fait à travers :
- leur expérience de conduite ;
- la notion de nécessité ;
- leur activité et la politique de leur entreprise.
Dans un sondage de l’Institut Français de l’Opinion Publique (Ifop) réalisé en septembre 2016 sur la sensibilisation des salariés aux risques routiers :
- 69 % des salariés d’entreprise publique ou privée conduisant un véhicule professionnel avouent répondre ou appeler un client, un collègue ou un prestataire alors qu’ils sont au volant.
- 54 % déclarent que le rythme de travail et les objectifs fixés par l’entreprise nécessitent de poursuivre cette pratique dangereuse;
Pourtant, ils sont 45 % à dire que leur entreprise interdit strictement l’usage d’un smartphone au volant ;
- Pour 23 % d’entre eux, l’entreprise sanctionne même l’usage du téléphone au volant.
L’INRS ou institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents professionnels souligne le stress de la conduite et celui lié aux contraintes professionnelles, qui ont des conséquences sur la santé du conducteur.
Les conducteurs professionnels doivent à la fois répondre aux exigences de l’entreprise et respecter les contraintes de la route.
Contexte et périmètre de l’étude présentée
L’étude TelProf repose sur un questionnaire ciblant les professionnels avec différentes expériences de leur téléphone au volant. Les déplacements « domicile-travail » ont été exclus, seuls les déplacements professionnels ont été analysés.
Les conducteurs ont été interrogés sur :
- leur profession, leur statut ainsi que leur secteur d’activité ;
- Leurs types d'usage des écrans au volant. La plupart du temps, les participants sont invités à répondre à une échelle de fréquence pour quantifier ces usages ;
- Leur attitude vis-à-vis de l’utilisation du téléphone pendant la conduite avec des questions basées sur leur avis pour cette pratique et aussi sur leur type de conduite.
Chaque conducteur possède un profil très varié c’est pourquoi ils se scindent en deux catégories :
- le professionnel de la route correspond à celui qui transporte des biens et des marchandises en général (chauffeurs de poids lourds, conducteurs de bus ou de taxi …).
- le professionnel « mobile » c’est-à-dire personne salariée ou indépendante dont la mission principale implique l’utilisation d’un véhicule. Leur travail implique la réalisation d’un déplacement afin d’arriver à destination.
Les conditions de travail des travailleurs « mobiles » se structurent selon plusieurs dimensions :
- les caractéristiques de l’emploi et de l’employeur : secteur d’activité, contrat de travail, formation, conditions de travail ;
- la mission principale du recrutement et des outils mis à disposition pour la réaliser ;
- la tâche secondaire : déplacement, stationnement, véhicule ;
- les interactions avec les différents réseaux d’acteurs à côtoyer au cours de l’activité.
La première phase de l’étude TelProf avait consisté en une exploration qualitative des attitudes et des comportements vis-à-vis du téléphone de 4 groupes d’actifs : deux groupes de professionnels de la route (chauffeurs livreurs, chauffeurs de poids lourds et taxis) avaient été réunis ainsi que deux groupes de professionnels « mobiles » (Commerciaux et secteur tertiaire et techniciens et professions libérales).
Cette première phase a servi de base pour construire un questionnaire. Dans la deuxième phase du projet, le questionnaire a été administré dans le cadre d’une enquête à grande échelle (850 travailleurs qui se déplacent dans le cadre de leur travail - professionnels de la route ou professionnels mobiles- ont donc été interrogés).